Être(s) fantastique(s)
Dans cette série d’« Être(s) fantastique(s)», plusieurs éléments sont en jeu. Être(s) fantastique(s) dans le sens de « créatures fantastiques » mais aussi dans le sens de « soyez fantastique ! ». C’est une création qui invite à imaginer, à se questionner, à s’évader, à effacer les frontières et à creuser en soi.
Des corps dansés…Je choisi de transformer des corps dansés, à partir des photos de la danse contemporaine, mais pas seulement... Pourquoi choisir des corps dansés ? Car la danse travaille sur le temps et l’espace, la danse est un des moyens de réapproprier son corps, de revenir sur ses appuis, de contrôler ou relâcher ses poids, de prendre conscience de son corps, des corps des autres, ainsi que l’environnement autour.Je m’appuie donc sur le corps dansé, comme si j’emprunte la puissance, le pouvoir et la magie de la danse pour ces corps qui ne sont ni humains ni animaux, ou à la fois humains et animaux.
Contes chinois…Dans des contes chinois, les frontières entre les arbres, les animaux, les humains sont flexibles. Avec la réincarnation, les humains peuvent devenir animaux dans une autre vie, et vice versa. Avec le xiulian (des pratiques assidues du corps, de l’esprit et du qi, son énergie vitale), les animaux peuvent se transformer en humain (exemple des femmes-serpent, des femmes-renard…) Ici, qui sont donc ces êtres fantastiques ? Sont-ils des animaux qui ont un pouvoir magique, qui s’humanisent en partie pour vivre comme un humain, comme dans des contes chinois ? Ou bien, c’est une échappatoire au corps humain coincé dans notre monde.
L’encre…En coopération avec l’encre et l’eau, j’essaye de combiner à la fois la qualité libre et spontanée du style xieyi et le caractère précis du style gongbi, sur un support qui n’est pas du papier chinois. L’encre qui se diffuse dans l’eau est pour moi une représentation visible du temps. Le fait de présenter cette texture de l’encre qui se diffuse, c’est aussi essayer de présenter un état d’être entre ce qui est stable et ce qui se transforme.
Fusion poétiquement insolite… Il y a une polarité, entre le léger et le lourd, entre ce qui est stable et ce qui se transforme, entre le liquide et le solide. Il y a une ambiguïté, les parties du corps peuvent être végétales, animales ou humaines. Selon nos humeurs, nos regards et nos envies, elles peuvent être une colonne vertébrale, des poils, des algues ou des flammes. Ils sont poétiquement insolites parce qu’ils sont fantastiques, magiques, presque naturels, viables et enviables. Dans tous les cas, ce ne sont pas des monstres maléfiques qui cherchent à effrayer et à horrifier.
Un monde en soi… Les tableaux qu’on voit souvent représentent un fragment de notre monde, comme si quand on regarde à travers une fenêtre, on voit une composition d’image, avec par exemple, des arbres, une pelouse, des gens assis sur la pelouse en train de pique-niquer, et des perspectives du paysage. Dans ces êtres-fantastiques, ce sont à la fois des personnages et du paysage, on y voit de l’air, de l’eau ou du feu.
A quoi sert mon corps ? Le corps me transporte dans ce monde, de la naissance à la mort. C’est à priori ma propriété dès la naissance. Le corps sert à manger, dormir, travailler, acheter, faire l’amour, et quoi d’autre ? Il peut m’aider à obtenir des objets, il peut stocker mes pensées, sauvegarder des mouvements, des habitudes, et quoi d’autre ? Sachant que, après la mort, je ne peux absolument pas amener mon argent, mes objets ni mes être aimés. Cela pose la question de quoi accumuler avec le corps dans ce monde. Des objets ? des plaisirs ? des savoir-faire ? des pensées ? des mouvements ? Notre corps durant le voyage dans ce monde, est-ce un accomplissement ? Un résultat ? Ou bien un passeur ? Un devenir ? …